mardi, juin 27, 2006

Mon boucher

J'aimais mon boucher!
J'l'aimais non seulement parce qu'il l'était depuis longtemps. On avait tissé des liens bien plus fort que par le simple fait qu'il le soit, de fait passant beaucoup de temps ensemble. Du coup il me connaissait mieux que quiconque, mieux que n'importe quel autre boucher. Il savait me soulager et jamais il ne m'avait déçu. Je le connaissais bien moi aussi, mais lui surtout. Quand il me proposait un nouveau produit, il savait déjà que c'était quelque chose qui allait m'intéresser. Quelque chose qui allait m'aller. Jamais il ne se serait permis, si il avait eu un doute susceptible de me décevoir. Il opérait avec moi une relation des plus franches et honnêtes, presque comme un aide de camp. Fidèle et dévoué coeur et âme. Plus qu'un confident, plus qu'un ami, plus qu'une mère même. Un double à fournir mon manque, sachant tout ce que j'attendais de lui et ce que je voulais en définitif. Tout ça pour ma plus grande satisfaction. Mais aussi pour la sienne car lui-même en était satisfait. Cela lui procurait au delà d'en vivre, un immense plaisir et surtout le goût de continuer et d'exercer son talent. Je lui rendais bien j'dois dire! Ce n'était pas donné d'une part, bien que j'en avais largement les moyens. Et d'autre, je lui restais fidèle, lui montrant ainsi ma reconnaissance.
Je lui faisais aveuglément confiance et c'était rassurant en ça. Croyez-moi! Donner sa confiance à quelqu'un quand on a eu un peu d'expériences échaudées, ce n'est pas chose facile, à moins d'être innocent, sot ou maso. Là, c'était tout naturel. Une fois chez lui, je m'allongeais dans le fauteuil en cuir et j'étais entièrement à lui, entièrement à sa merci. Il comprenait mes silences, j'écoutais les lignes de son visage. Une réciprocité infaillible s'installait, une symbiose parfaite.
J'l'aimais.
Et puis c'était un vrai professionnel. Il avait appris avec les plus grands maîtres avant de le devenir lui même. Il savait vraiment y faire. Jamais je n'avais souffert entre ses mains. Jamais ça ne s'était mal passé avec lui. Ni avant, ni pendant, ni après. Et il était propre. L'hygiène était sa deuxième nature. Exerçant sur moi, tout comme sur lui-même ou tout comme sur l'un de ses enfants, confortablement rassuré, enfoncé, juste avant à ce moment là, j'étais l'un d'eux, un enfant. Puis, une fois l'aiguille plantée, jamais trop profondément, il me faisait l'injection. Le produit dont nous avions convenu montait rapidement et rapidement je fermais les yeux. Ainsi dans ce protocole parfait, il agissait de la manière la plus absolue sur mon corps et le voyage en était que plus entier et improbable.
Oui, j'l'aimais mon boucher.